Attention, dans un souci d’analyse, je dévoile quelque petits éléments de l’intrigue.
Vous l’avez choisi après un scrutin final surprise sur Instagram, face à Godzilla x Kong : Le Nouvel Empire d’Adam Windgard.
Ce plébiscite prouve que mes chers lectrices et lecteurs ont la même appétence que leur serviteur pour les projets différents et exigeants (merci à tous les votants et votantes ! Abonnez-vous à mon compte Instagram pour participer aux prochains sondages !) !
Gros plan donc, sur le nouveau film d’Ethan Coen dans Le choix des abonné(e)s !
Seulement Ethan Coen, d’ailleurs, vous avez bien lu !
Il n’y a, en effet, pas de coquille (pour une fois !) dans mon article ; le long métrage Drive-Away Dolls (que l’on pourrait traduire approximativement par « les poupées qui s’en vont en voiture ») est un petit événement dans la carrière du cinéaste américain : il s’agit, ni plus ni moins, du premier film réalisé par Ethan Coen… sans son frère Joel !
Il a, cependant, été épaulé par son épouse, la cheffe monteuse et scénariste Tricia Cooke qui a nourri le scénario de son vécu (elle se définit comme queer).

Cela donne un thriller décalé avec la touche de violence graphique et l’humour qu’on aime tant, qui se rapproche (un peu) d’un Guy Ritchie de la grande époque d’Arnaques, crimes, et botanique (1998) par exemple.
Ainsi, dans la séquence d’ouverture, la caméra avance dans un lent travelling avant, le long des banquettes d’un bar du nuit, baigné dans une lumière rose « flashy »…
Un homme (Pedro Pascal) se penche et apparaît dans le cadre, serrant fermement une mallette contre lui… il semble guetter anxieusement l’entrée du bar…
Mais le danger vient plutôt du serveur qui l’observe et finit par le poursuivre dans la rue, bien décidé à récupérer la mystérieuse mallette… qui vaut à son malheureux porteur d’achever sa vie, au fin fond d’une ruelle sinistre de Philadelphie, dans d’atroces souffrances…
Ses hurlements se mêlent alors, aux cris de plaisirs d’une femme, en pleins ébats, avec sa compagne Jamie (Margaret Qualley).
Ethan Coen met donc en parallèle la mort elle-même avec la « petite mort » (comme on appelle parfois l’orgasme), ô combien plus agréable (et surtout moins définitive) que la véritable !
Le ton est donné !
Le film aborde le désir charnel et l’amour entre femmes d’une manière totalement décomplexée et amusante, une approche (trop) rarement vue au cinéma, ainsi que l’analyse Tricia Cooke :
« La grande majorité des films qui mettent en scène des lesbiennes sont des drames, éloquents et sérieux.
À contrario, on voulait des héroïnes queer dont la sexualité n’est pas le propos du film.
[Il] traite de sexe avec légèreté, comme dans les films de série B, [ce n’est] pas un film à message sur la sexualité.
Effectivement, on suit surtout Jamie et son amie Marian (Geraldine Viswanathan), très timide, dans leur convoyage d’une voiture, de Philadelphie à Tahallassee en Floride.
Malheureusement pour elles, elles transportent, sans le savoir, une cargaison compromettante que des truands sont bien décidés à récupérer…
Le contraste de personnalités entre les deux personnages (l’un « coincé » et l’autre totalement libéré) est classique, mais savoureux à observer, grâce à la bonne alchimie entre les deux comédiennes.
On aime aussi l’ambiance visuelle, très marquée, notamment à travers la saturation très forte des couleurs qui fait penser aux fameux films de série B évoqués par Tricia Cooke.
Pour rappel, ces films étaient des projets à petit budget, produits rapidement, et projetés en double programme avec des films de série A (gros budget) pour le prix d’un seul ticket, durant l’âge d’or d’Hollywood, jusqu’à la fin des années 50.
Cette omniprésence des couleurs vives est due à l’excellent travail de la directrice de la photographie, Ari Wegner, qui a collaboré avec l’étalonneur, Peter Doyle.

Au cinéma, un étalonneur est chargé de veiller à l’harmonie colorimétrique d’un film, pour que les spectateurs ne voient pas de différences entre les plans, tournés parfois à plusieurs heures, ou même, plusieurs jours d’intervalle.
Il contribue ainsi, à créer, avec d’autres (directeur de la photographie, éclairagiste…), l’identité visuelle du film.
Pour Drive-Away Dolls, Peter Doyle a opté pour la caméra Arri, l’Alexa 35.
La directrice de la photographie, Ari Wegner, explique ce choix :
« L’idée était de ne pas avoir peur des couleurs ni de la saturation. Le film se déroule en 1999, une époque colorée.
L’Alexa permet un haut niveau de saturation et Peter maîtrise parfaitement ce nouvel outil ».
Tout à fait, c’est pleinement réussi !
Malgré tout, en dépit de toutes ces qualités, on n’est pas totalement conquis par cette virée en bagnole décomplexée, la faute à un bavardage souvent trop présent et des transitions « psychédéliques » inutiles qui ne font qu’alourdir l’ensemble…
Il n’empêche qu’on ressort, en étant impatients de reprendre la route avec Jamie et Marian, une trilogie de films est, en effet, annoncée !
À très vite Mesdames, alors !
Sources :
Image d’en-tête : © 2023 Focus Features. LLC.
Site spécialisé :
Secrets de tournages, allocine.fr (lien)

