CĂ©line Rouzet nous embarque dans les coulisses d’ « En attendant la nuit » ! đŸŽ„

En attendant la nuit, l’un de mes chouchous de l’annĂ©e, est dĂ©sormais disponible en DVD, et VOD !

Pour fĂȘter l’évĂ©nement, sa rĂ©alisatrice, CĂ©line Rouzet, a acceptĂ© de partager avec moi, ses souvenirs et quelques coulisses de tournage. Rencontre.

Tu as fait l’atelier scĂ©nario de la FĂ©mis [premiĂšre Ă©cole de CinĂ©ma française, Ă  Paris, ndlr]. Avais-tu l’idĂ©e du scĂ©nario avant l’atelier ou est-elle venue pendant les sĂ©ances d’écriture de ce mĂȘme atelier ?

L’atelier scĂ©nario est avant tout une rĂ©sidence d’écriture, accessible sur concours.

J’étais partie dans l’idĂ©e de dĂ©velopper deux projets (aucun des deux n’étaient En attendant la nuit).Mais Ă  la veille du dĂ©but de l’atelier, l’idĂ©e du film m’a frappĂ© au rĂ©veil.

Je voulais raconter ce qui c’était passĂ© avec mon frĂšre mais, pas de maniĂšre frontale (cela aurait Ă©tĂ© beaucoup trop dur).

Le Vampire Ă©tait une figure importante pour lui, il se sentait trĂšs trĂšs proche de ces monstres fragiles, dont la condition est invisible au premier regard et qui doivent vivre dans l’ombre de la sociĂ©tĂ©. Cette figure avait donc beaucoup de sens pour moi.

Le CinĂ©ma de genre permet, Ă  la fois, d’exacerber les Ă©motions et les sensations, mais aussi, d’édulcorer le rĂ©el, comme c’est le cas dans ce film.

Combien de temps y a-t-il eu entre l’écriture et le tournage du film ?

J’ai commencĂ© Ă  dĂ©velopper le scĂ©nario Ă  l’atelier de la FĂ©mis en 2017.

Un an plus tard, William Martin (mon co-scĂ©nariste, avec qui j’avais dĂ©jĂ  beaucoup discutĂ© en amont) m’a rejoint et on a Ă©crit ensemble.

Malheureusement, au moment de chercher des financements, la pandĂ©mie nous a tous frappĂ©s, cela a Ă©tĂ© une pĂ©riode extrĂȘmement difficile. On a perdu 1 ou 2 ans, avant de pouvoir faire le film.

Le casting a-t-il Ă©tĂ© difficile Ă  trouver ?

Là aussi, on a été stoppé par la pandémie.

Le casting avait commencĂ© depuis 1 an et demi, on avait trouvĂ© les jeunes acteurs et actrices : il y avait dĂ©jĂ  Mathias LegoĂ»t Hammond [qui incarne le vampire PhilĂ©mon, ndlr], CĂ©leste Brunnquell, Louis Peres


Le temps passait, j’avais peur qu’ils vieillissent, qu’ils changent trop
 mais non.

Finalement, on a repris le casting deux ans plus tard, au moment de la mise en production du film et de l’approche du tournage.

Élodie Bouchez [qui incarne la mĂšre de PhilĂ©mon, ndlr] est arrivĂ©e d’une façon trĂšs belle sur le projet, elle a lu le scĂ©nario en 24 heures, on s’est tout de suite retrouvĂ©es autour d’un cafĂ©.

Cela s’est Ă©galement trĂšs bien passĂ© avec Jean-Charles Clichet [qui joue le pĂšre de PhilĂ©mon, ndlr].

Le casting a rapidement Ă©tĂ© assez Ă©vident !

Est-ce difficile de travailler avec des acteurs qui n’ont jamais fait de CinĂ©ma ? Je pense Ă  Mathias LegoĂ»t Hammond, dont c’est le premier rĂŽle.

Mathias a eu une justesse de jeu incroyable, dĂšs le dĂ©part !

C’était une vraie prise de risques (pour les producteurs, comme pour moi) de travailler avec lui, on ne savait pas s’il allait ĂȘtre capable de jouer autant d’émotions, autant de situations Ă  la fois, de malaise, de souffrance, de colĂšre, de peur, de fragilitĂ© etc.
 mais c’était un vrai bonheur de travailler ensemble !

On a fait appel à une coach, Delphine Zingg (qui a travaillé avec Jacques Audiard, Céline Sciamma
), elle a permis de créer un lien entre Mathias et moi.

On a beaucoup travaillĂ© Ă  apprendre Ă  se connaĂźtre, Ă  faire en sorte qu’il ait confiance en moi, en ma direction d’acteurs et que, moi, j’ai confiance en lui, dans ce qu’il Ă©tait capable de donner.

Nous avons mis en commun un univers, des rĂ©fĂ©rences : je lui ai fait lire des livres, regarder des films, il m’a envoyĂ© des chansons


On s’est crĂ©es tout un imaginaire commun : par exemple, je lui disais : « Dans le film Sexe, mensonges et vidĂ©o de Steven Soderbergh, le comĂ©dien principal a quelque chose de trĂšs doux, de dĂ©rangeant, d’étrange
 j’aime beaucoup ce qu’il dĂ©gage Â».

Je le guidais avec des exemples comme celui-lĂ .

On le sent trĂšs proche du personnage...

Oui, il était trÚs à vif.

Il avait quelque chose de trĂšs romanesque, de trĂšs romantique, une petite forme de folie comme son personnage, un monde intĂ©rieur. Un mĂ©lange de douceur et de colĂšre contenue, qu’il a pu ensuite donner Ă  son rĂŽle.

Il va chercher une vĂ©ritĂ© dans son passĂ©, il est observateur (les comĂ©diens ont souvent cette qualitĂ©), il a compris la nature de son personnage : PhilĂ©mon est quelqu’un qu’on va pas regarder, ou alors, trop regarder
 quelqu’un qui va susciter le malaise, le rejet
 quelqu’un qu’on a tous connus, jeunes en classe
 Mathias a su se projeter lĂ -dedans.

Son interprĂ©tation est viscĂ©rale et trĂšs impressionnante !

Oui, moi aussi, j’ai Ă©tĂ© assez bluffĂ©e.

Le tournage Ă©tait trĂšs court (26 jours) donc cela nous obligeait Ă  ĂȘtre trĂšs rapides, faire peu de plans, et Mathias a su ĂȘtre extrĂȘmement juste en trĂšs peu de prises. C’était trĂšs impressionnant chez lui !

Mathias Legoût Hammond (© Tandem)

Cette contrainte de temps Ă©tait liĂ©e au budget, j’imagine


Oui, avec la pandĂ©mie cela n’a pas Ă©tĂ© simple, moi je n’avais pas tournĂ© de court-mĂ©trage de fiction, il fallait donner confiance aux financeurs.

On avait donc un budget restreint, un temps de tournage trĂšs court, pour mener Ă  bien un film trĂšs ambitieux avec du sang, une enfant, un chien, une scĂšne d’attaque
 et aussi l’importance du soleil !

En effet, on a beaucoup jouĂ© avec la contrainte de la lumiĂšre naturelle : il fallait parier sur un beau temps, sur un plein soleil sur pratiquement tout le tournage et cela, c’est un beau miracle !

L’annĂ©e suivante, la mois d’aoĂ»t a Ă©tĂ© terrible, cela n’aurait pas Ă©tĂ© possible ! [Rires]

Parfois, les films, c’est un alignement de planĂštes et c’est ce qui s’est passĂ© !

Pour optimiser cette lumiĂšre naturelle sur le tournage, on calculait (avec le chef opĂ©rateur Maxence Lemonnier), la position prĂ©cise des ombres, pour permettre Ă  PhilĂ©mon d’aller d’arbres en arbres, Ă  l’abri du soleil. C’était un travail d’orfĂšvres !

Il fallait donc ĂȘtre bon sur le moment, on ne peut pas faire beaucoup de prises dans ces cas-là


Oui. Il fallait que les comédiens soient excellents trÚs rapidement, que moi je sache ce que je voulais obtenir, pratiquement instantanément.

On avait prĂ©dĂ©coupĂ© toutes les sĂ©quences avec le chef opĂ©rateur (en prĂ©sence de la scripte Pauline Feiler), avec trĂšs peu le droit de se tromper, de changer !

Heureusement, on avait bien pensé les scÚnes, en amont.

Cette organisation laisse peu de choix au montage par la suite, il y a peu de matiĂšre en plus
 Comment gĂšre-t-on cela ?

Tout comme le tournage, le montage a été trÚs rapide.

Tout simplement parce qu’on a trouvĂ© trĂšs vite le film, et le fait d’avoir beaucoup travaillĂ©, avec le scĂ©nariste William Martin en amont, a permis de se baser sur un scĂ©nario bien ficelĂ©, sans nĂ©cessitĂ© de rĂ©inventer l’histoire au montage.

Je me suis surtout dĂ©barrassĂ©e de certaines scĂšnes, auxquelles je tenais beaucoup, comme celle oĂč les voisins avaient quelque chose de trĂšs effrayant dans le contrĂŽle de la vie du quartier (par exemple, les voitures ne doivent pas dĂ©passer du garage) mais je me suis rendue compte que cela plaçait l’étrangetĂ© au mauvais endroit, elle devait rester du cĂŽtĂ© de PhilĂ©mon.

Je pense aussi Ă  la scĂšne du barbecue oĂč on Ă©tait trĂšs figĂ©s, trĂšs contraints au tournage, mais, avec la monteuse LĂ©a Masson, on s’en est servies pour crĂ©er une grammaire au montage : on passe d’un voisin Ă  l’autre, ils sont trĂšs intrusifs, ils nous regardent
 Je tenais beaucoup Ă  ce plan de voisine qui regarde la camĂ©ra.

Je voulais crĂ©er quelque chose d’oppressant, d’un peu coincĂ© et d’un peu ludique aussi, avec de l’ironie dramatique : on est aux cĂŽtĂ©s de la famille qui ment pour se protĂ©ger.

On dit souvent qu’il est trĂšs difficile de tourner avec des enfants. Comment as-tu abordĂ© cette problĂ©matique avec la jeune Laly Mercier qui incarne la petite sƓur de PhilĂ©mon ?

Les enfants, c’est diffĂ©rent, assez compliquĂ© mais passionnant ! On est moins dans le jeu, cela demande toute une technique.

Je ne voulais absolument pas la traumatiser dans les scĂšnes oĂč elle devait avoir peur pour son frĂšre, par exemple. Je faisais appel Ă  son imagination, j’essayais de la mettre dans une ambiance.

Parfois, je lui demandais de ne pas jouer. Parce que, souvent, quand un enfant se met à jouer, il surjoue


J’allais donc chercher une justesse de quelques secondes dans son regard par exemple, parce que Laly avait l’intuition des choses, elle connaissait le contexte quand mĂȘme, elle savait ce qu’elle Ă©tait en train de jouer.

J’essayais de capter cette Ă©motion-lĂ  qui jaillissait de façon extrĂȘmement ponctuelle et sinon, je lui demandais d’ĂȘtre la plus naturelle possible.

Elle Ă©tait vraiment super !

Elle amenait cette drĂŽlerie, cette lumiĂšre, cette joie, ce petit zozotement irrĂ©sistible ! Ses parents me disaient qu’elle Ă©tait pareille que son personnage ! [Rires]

Y’a-t-il des scĂšnes que tu trouves encore meilleures que celles que tu avais imaginĂ©es sur le papier ?

J’aime beaucoup la scĂšne trĂšs romantique de la voiture avec PhilĂ©mon et Camila (CĂ©leste Brunnquell), le moment oĂč ils se parlent tous les deux dans le garage.

Mathias Legoût Hammond et Céleste Brunnquell (© Tandem)

Cette scÚne-là était à la hauteur de ce que je souhaitais.

MĂȘme si, au dĂ©but, elle devait se passer dans la chambre mais la contrainte budgĂ©taire a fait qu’il nous fallait un dĂ©cor plus simple : on a trouvĂ© un garage avec une voiture, c’était parfait !

Finalement, la scĂšne est plus belle comme cela, plus originale que si elle avait eu lieu dans une chambre, comme prĂ©vu Ă  l’origine.

J’aime aussi la sĂ©quence en drone, avec la musique de Jean-BenoĂźt Dunckel mais j’aime surtout les enchaĂźnements, pas tant des scĂšnes en soit.

Il y a aussi la scĂšne du vol des poches de sang gĂ©nĂšre un vrai suspense et fonctionne trĂšs bien !

Oui, je suis trĂšs fiĂšre de cette scĂšne aussi !

C’est un vrai plan sĂ©quence, qui Ă©tait un vrai challenge, parce que ce n’était pas un simple plan sĂ©quence muet, il Ă©tait trĂšs narratif, tout le monde devait jouer extrĂȘmement justement, il y avait tout un trajet pour la camĂ©ra, les figurants
 tout Ă©tait calculĂ©, toujours en peu de temps, j’étais contente du rĂ©sultat !

J’étais contente aussi parce que j’ai cru comprendre que la tension fonctionne dans le film : on a peur pour cette famille, pour la mĂšre quand elle vole, j’ai l’impression que les spectateurs sont tendus, en empathie avec la mĂšre, on a pas peur du vampire mais on a peur pour lui et pour sa famille.

Mais ma plus grande satisfaction c’est la comĂ©diens !

Avoir trouvĂ© Mathias, c’est vraiment mieux que ce que j’imaginais !

J’espĂ©rais tellement fort, j’avais tellement peur de ne pas trouver la bonne personne, les bons comĂ©diens


Quand on les trouve
 ils sont capables de donner du relief Ă  chaque rĂ©pliques, Ă  nos scĂšnes Ă©crites, c’est un enchantement !

© Tandem

Un trÚs grand merci à Céline Rouzet de nous avoir partagé ses souvenirs passionnants sur son merveilleux film à découvrir, dÚs à présent, en DVD et VOD !

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Liens de VOD

Ma critique d’En attendant la nuit

Sources :

Image d’en-tĂȘte : © Manuel Moutier

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