C’est LE succès surprise de la fin d’année dernière : la dramaturgie de l’élection d’un nouveau Pape, concoctée par le cinéaste allemand Edward Berger (à qui l’on doit l’excellente nouvelle adaptation d’À l’Ouest, rien de nouveau, sorti en 2022, sur la plateforme au grand N).
Il s’attaque donc, avec ce nouveau projet, à une nouvelle adaptation d’un roman de Robert Harris, un auteur anglais, spécialiste du roman historique, avec un soupçon d’espionnage, très prisé par le monde du Cinéma (Enigma (2001) de Michael Apted, The Ghost Writer (2010) et J’accuse (2019) de Roman Polanski, ou encore L’Étau de Munich (2021) de Christian Schwochow).
En revanche ici, pas d’ambiance guerrière et d’opérations menées par les services de renseignements : nous voilà plongés au cœur de la cité vaticane et de l’un de ses rituels les plus secrets : le Conclave.
Dès les premières secondes, on sent que l’heure est grave : le buste du cardinal Lawrence (Ralph Fiennes, photo) apparaît de dos, marchant nerveusement dans les rues de Rome, au son du Cristal Baschet (une sorte de « piano » constitué de tiges de verre, conçu par les frères du même nom), choisi par le compositeur Velter Beltermann.
Sa musique contribue à matérialiser la tension, présente à chaque instant, dans les couloirs du Vatican.
On est déjà conscient que la curie n’est pas un monde uniforme (c’est un euphémisme !) et les dissensions énormes qui la parcourent sont extrêmement bien mises en scène, notamment dans les séquences en clair obscur où les cardinaux débattent en petit comité, entre les sessions de vote.
Edward Berger envisage le scrutin pontifical comme un véritable thriller politique avec un peu de Foi et surtout beaucoup de tractations…
Les acteurs ont parfaitement compris cette approche et sont tous excellents : Ralph Fiennes est parfait en cardinal Lawrence bien décidé à affronter la tempête pour mener à bien ce conclave, Stanley Tucci le soutient mais n’oublie de défendre son point de vue (leurs échanges sont passionnants).
Signalons également, la performance excellente de John Lithgow dans le rôle du Cardinal Tremblay, qu’on adore détester.
Quelle joie également, de retrouver la grande Isabella Rossellini (fille de l’immense Ingrid Bergman) discrète mais cardinale dans le rôle de sœur Agnès.
Outre la qualité de ses interprètes, Conclave brille par sa mise en scène pensée comme une succession de tableaux : chaque plan est composé et éclairé avec le plus grand soin, ce qui renforce la solennité des scènes et la grandeur des lieux.
Le producteur Michael Jackman apprécie particulièrement la beauté picturale qui irradie la réalisation d’Edward Berger et évoque « cette magnifique image, impressionniste, d’un acteur, seul, dans la Chapelle Sixtine – une image qui semble hors du temps et qui s’est révélée cruciale pour le film ».
Bien évidemment, il n’a pas été possible de tourner au Vatican mais les décors ont été magnifiquement reconstitués dans les mythiques studios romains Cinecittà. Par exemple, la cheffe décoratrice Suzie Davies a restauré et réutilisé un décor existant, stocké aux studios, avec l’aide des peintres qui l’avaient conçu.
Qui plus est, les scènes de vote, véritables clés de voûte du film, ont chacun une identité visuelle propre qui crée une variété, épouse l’image soignée de l’ensemble et favorise enfin un suspense très fort : l’élection devient follement cinématographique !
Seuls petits bémols à ce beau moment de Cinéma sous le signe du Sacré (et surtout de la politique !), deux scènes d’explosions qui surlignent un peu trop la tension du récit, un un final quelque peu déceptif au regard de cette fameuse tension savamment orchestrée tout au long du métrage.
Pour autant, Conclave reste une très belle réussite sacrément prenante et passionnante !
Sources :
Images d’en-tête : imdb.com
Fiches films :
allocine.fr
Secrets de tournage, allocine.fr (lien)



