Depuis quelques années, le genre du film biographique (autrement dit, biopic) connaît un vrai succès dans nos chères salles obscures, ainsi qu’en témoignent les sorties récentes d’Un parfait inconnu ou de The Brutalist, récompensé aux Oscars (même si ce dernier cas est un peu différent, c’est un biopic fictif).
Celui qui nous intéresse cette semaine est, lui aussi, un peu particulier : c’est celui d’une inconnue, Esther Perez, mère de l’avocat Roland Perez qui lui a consacré un livre (publié aux éditions Les Escales en 2021).
Ce livre prend vie ce mercredi sur Grand Ecran, sous la direction du cinéaste canadien Ken Scott, qui retrouve l’exercice de l’adaptation littéraire, 7 ans après L’Extraordinaire voyage du Fakir, basé sur l’ouvrage à succès de Romain Puertolas.
Le résultat s’était révélé décevant, lisse et froid, bien loin de l’ambiance délicieusement surréaliste et décapante du roman…
Très honnêtement, j’avais un peu la même crainte avant de découvrir ce nouveau film, à savoir : voir une adaptation, sûrement bien construite, mais un peu trop sage…
Pour ne rien arranger, le film est précédé d’une session karaoké de La Maritza, la chanson de Sylvie Vartan (évidemment !), une initiative, certes originale, mais qui favorise une atmosphère un peu étrange dans la salle, tant il n’est pas forcément simple de se mettre à chanter, sans préavis, avec des inconnus dans un cinéma…
Peut-être eut-il été plus judicieux de la proposer à la fin de la projection, une fois que l’atmosphère du film avait bien enveloppé les spectateurs et les spectatrices, non ?
Trèves de digressions musicales, parlons Cinéma !
Qu’en est-il du film ?
Eh bien…
C’est une très belle surprise !
Le déroulé est, certes, classique mais on est vite embarqués dans cette tranche de vie compliquée, émouvante et surtout amusante et pétillante, grâce à la narration juste de Jonathan Cohen (qui lit vraisemblablement des passages clés du livre) et, surtout, à la prestation éblouissante de Leïla Bekhti !
On dit souvent que les grands acteurs (et les grandes actrices !) sont capables de littéralement « disparaître » derrière leurs rôles… c’est véritablement le cas, ici !
On ne voit plus Leïla Bekhti, on voit Madame Perez !
Elle incarne avec, une grande maîtrise, toutes les facettes de son personnage, passant aisément du rire aux larmes, sans tomber dans l’excès ou la caricature.
Elle dessine le portrait d’une mère, prête à tout pour le bien de son fils, au point d’être, bien souvent, un peu (beaucoup) envahissante dans sa vie !
Pour autant, on ne peut pas la détester : en cela, elle ressemble un peu aux personnages de Louis de Funès, parfois agaçants, parfois de mauvaise foi mais jamais, ô grand jamais, antipathiques !
Les défauts de cette mère incroyable s’oublient bien vite, tant ce caractère bien trempé devient attachant.
Elle nous émeut alors dans son rôle de mère courage qui se bat sans relâche pour son enfant, un peu différent, avec son pied bot.
Il en résulte un merveilleux hommage d’un fils à sa mère (et aux mères en général), sublimé par une actrice à son sommet, et un excellent Jonathan Cohen qui se met au diapason de sa partenaire, sans trop en faire.
D’ailleurs, leurs scènes communes sont particulièrement réussies (en dehors de la qualité de leur jeu) grâce au fantastique maquillage « vieillissant » de Leïla Bekhti.
En revanche, le rajeunissement numérique d’autres personnages, façon Deepfake (littéralement « faux profond » dans le sens de profondément crédible), à l’aide de l’intelligence artificielle, pique vraiment, un peu (beaucoup) les yeux…
C’est le seul bémol de cette belle histoire de dépassement de soi musical, si l’on peut dire, filmé par un Ken Scott bien plus inspiré qu’avec son fakir !
De quoi donner des espoirs de César à Leïla ? L’avenir le dira…
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