Pauline Doméjan met en images son métier de cheffe opératrice au Club des courts ! 🎥

À l’occasion de la fête du court-métrage qui débute ce mercredi, je vous propose de revenir sur la dixième soirée du Club des courts du cinéma Jean Eustache (organisé en collaboration avec le Caméo-club, un ciné-club lycéen) qui proposait de découvrir une sélection exceptionnelle de cinq courts-métrages nommés aux César cette année !

Parmi eux, Boucan de Salomé Da Souza, en présence de Pauline Doméjan, directrice de la photographie de ce film.

Un échange passionnant a suivi les projections, et a permis aux spectateurs et aux spectatrices présents de découvrir les spécificités de ce métier, assez méconnu, mais essentiel au Cinéma.

Morceaux choisis.

En quoi consiste votre métier de cheffe opératrice ou de directrice de la photographie ?

On est responsable de l’image et du son du film : on s’occupe du cadre (ce qui apparaît dans le plan), des mouvements de caméra, de la lumière (comment on éclaire une scène, à quelle heure on la tourne, si on utilise la lumière du soleil ou pas, etc.)

Plus largement, on gère les couleurs et les textures de l’image, via les costumes par exemple.

On travaille donc avec le chef décorateur (ou la cheffe décoratrice) et le chef décorateur (ou la cheffe costumière) du film.

Le directeur ou la directrice de la photographie est l’interlocuteur (ou l’interlocutrice) privilégié(e) du réalisateur pour tout ce qui concerne la mise en scène et la mise en images du film.

Le réalisateur peut cadrer lui-même mais, la plupart du temps, c’est le chef opérateur qui tient la caméra, en France en tout cas.

Aux Etats-Unis, en effet, souvent, c’est différent, il y a deux postes distincts : l’opérateur caméra et le directeur de la photographie.

Il arrive aussi que l’on fasse appel à un opérateur spécialisé.

Par exemple, dans Boucan, il y a des plans au Steadicam [caméra fixée sur le caméraman grâce à un harnais, ndlr] qui permet de faire des mouvements fluides avec la caméra.

Un opérateur est venu sur le tournage de Boucan, avec son matériel, pour réaliser ces prises de vues.

Je lui explique le plan, il le fait, et je regarde le petit écran, qui affiche le plan tourné, pour lui faire des retours.

John E. Fry, opérateur Steadicam anglais (Wikipedia)

Même principe, si on veut des plans en drone.

On dit souvent que la lumière naturelle est difficile à gérer sur un tournage.

Comment fait-on face à cette difficulté ?

C’est effectivement un peu le plus difficile.

Cela demande beaucoup d’organisation et de repérages, on va sur les décors, on regarde la lumière à telle heure du jour (quand est-ce qu’elle nous intéresse, quels sont les axes de caméras intéressants, en fonction de l’orientation du soleil etc.)

Par la suite, on travaille avec la personne qui s’occupe de l’organisation du tournage (souvent l’assistant réalisateur) pour organiser le planning en fonction de la lumière qu’on veut.

Par exemple, on lui demande de commencer à tourner un plan à 10 h 00 pile, jusqu’à 10 h 30.

Je pense aussi aux lumières de début ou de fin de journée qui sont difficiles à filmer, car très fugaces : on ne peut faire qu’un ou deux plans pour avoir la lumière qu’il faut.

Ce sont des moments un  petit peu tendus, parce qu’il faut être dans les temps.

Cependant, quand on n’a pas beaucoup d’argent, on se sert du soleil ! C’est quand même le plus efficace et le moins cher.

Dans le film, il y a beaucoup de plans serrés sur les visages des personnages, est-ce que cela est plus facile à travailler que les plans larges où il faut, peut-être, davantage organiser les acteurs ?

Oui, complètement.

Au-delà d’une dimension esthétique, ce sont aussi des raisons économiques qui nous ont amenées à resserrer sur eux, même si je pense que cela va bien avec l’idée du film, d’aller vers quelque chose de très charnel, d’être complètement avec les personnages.

Comment avez-vous géré le fait que la réalisatrice soit aussi comédienne dans le film ?

On a déjà eu cette configuration là sur un film précédent, elle devait me faire confiance sur le cadre et l’image.

On préparait ensemble le plan avec une doublure qui prenait sa place dans le cadre, ce qui lui permettait de voir ce que cela donnait, et ensuite, elle y allait pour jouer la scène.

Pour autant, elle n’allait pas vérifier le résultat à chaque fin de plan parce que c’était important pour elle de rester concentrer sur son travail de comédienne.

Salomé Da Souza (Unifrance)
Salomé Da Souza (Unifrance)

On l’a fait aussi parce qu’il y avait beaucoup de plans, en caméra à l’épaule, sans avoir un découpage forcément très précis, et la réalisatrice me faisait, là encore, totalement confiance pour les filmer.

Il y a forcément des scènes tournées qui n’apparaissent pas dans  le montage final, comment vivez-vous cela ?

C’est un petit deuil à faire à chaque fois ! [Rires]

Surtout quand il s’agit de scènes qu’on aime bien, qu’on a mis du temps à faire, mais [cette suppression], c’est pour le bien du film.

Parfois même, on sent, dès le tournage, que certaines scènes ne feront pas partie du film parce qu’elles ne fonctionnent pas très bien.

En revanche, dans Boucan, presque toutes les scènes sont restées.

Le film était un peu plus long, à la base. Il y avait un peu de « gras », ils ont tout rétréci pour être plus efficace parce que le film va très vite !

Mais c’est pour cela qu’il fonctionne !

Comment avez-vous préparé les séquences ? Y avait-il un storyboard ?

Je ne sais pas très bien dessiner, donc je ne fais pas de storyboard.

En revanche, on fait un découpage : on découpe chaque scène en plans (plan sur un personnage ou un autre, plan de l’un à l’autre, plan large etc.).

Ensuite, durant les repérages, on va sur les décors et je prends des photos qui correspondent aux plans qu’on a envie de faire (avec des doublures) et avec la valeur du cadre qu’on veut [gros plan, plan d’ensemble… ndlr].

Cela aboutit à un document qui servira à toutes les autres personnes qui vont travailler sur le film.

Votre métier est, à la fois, artistique et très technique…

Oui, tout à fait.

On doit pouvoir communiquer avec toutes les équipes en charge de l’image du film : l’éclairage, la machinerie (le matériel, qui assure les fixations et les mouvements de caméra), les assistants caméras etc.

Pour cela, le directeur de la photographie doit avoir la connaissance technique du matériel et ce, dès la préparation du tournage, puisqu’il faudra choisir le type de caméra et d’optique qu’on va utiliser, par exemple.

Ce n’est pas forcément simple parce que la technologie évolue très vite

Complètement !

De nouvelles caméras sortent très régulièrement sur le marché.

On travaille de concert avec des loueurs de matériel (lumières, caméras…) et des salons ont régulièrement lieu pour nous présenter les nouveautés vers lesquelles on peut aller.

Bravo au cinéma Jean Eustache et au Caméo-club pour l’organisation de cette soirée passionnante, ponctuée de courts-métrage de qualité, et un grand merci à Pauline Doméjan de nous avoir fait découvrir les coulisses de son métier absolument fascinant !

Sources :

Image d’en-tête : montage personnel

Enregistrement personnel

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