Les tourments de Saint-Laurent…

L’année 2014 restera sur le plan cinématographique du moins, l’année Yves Saint-Laurent. Après Jalil Lespert, c’est Bertrand Bonnello qui nous propose sa vision du grand couturier dans un film « non officiel » puisque non accompagné par Pierre Bergé. Et déjà ça, c’est intéressant… 

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Inévitablement quand deux films sur le même thème sortent à quelques mois d’intervalle, on est tenté de comparer. Les deux interprètes principaux par exemple.

Malgré tout le talent de Pierre Niney, c’est Gaspard Ulliel qui remporte la mise en nous proposant un Yves Saint Laurent, plus animal, plus tourmenté, plus sensuel aussi. Il se donne vraiment au personnage jusque dans sa gestuelle, sa manière d’être à l’écran.  Son phrasé et son timbre de voix suave achève de donner corps à son rôle. On redoute cependant une certaine impression de déjà-vu par la suite…

Heureusement, nos craintes sont vite dissipées. En effet, malgré leur sujet commun, les deux projets sont très différents.

Celui de Bonello se concentre sur les années les plus marquantes du créateur avec ses réussites mais aussi ses tourments…

Le montage fait d’allers-retours incessants entre 1974 et les années soixante pour l’essentiel, est aussi évanescent que son personnage principal. Avec ce procédé, le réalisateur a le mérite de casser les  codes du biopic en ne se laissant pas embarquer dans un récit linéaire bien trop souvent présent dans le genre (dans la version de Jalil Lespert par exemple !), mais le problème, c’est que l’on perd un peu le spectateur, d’autant plus que, disons-le franchement, il ne se passe pas grand durant deux heures et  demi…

Les choses changent quelque peu avec l’irruption de Jacques de Bascher (Louis Garrel, excellent) avec qui Yves Saint-Laurent vivra une histoire passionnée pendant quelques temps. La scène de leur rencontre est d’ailleurs magnifique : alors qu’ils sont de part et d’autre de la piste de danse d’une discothèque, la caméra les relie dans un lent aller-retour qui symbolise, le lien, l’alchimie naissante entre eux.

D’une manière générale, Bonnello nous offre une vraie oeuvre de cinéma avec un soin constant apporté à l’image. Son film est très esthétique avec un jeu sur la lumière (notamment dans les scènes de discothèques) et un travail sur le cadrage, là où le film de Lespert pêche par un académisme d’ensemble vite ennuyeux, « tout cela est soigneux et un peu plat » pour reprendre une réplique de Guillaume Galienne-Pierre Bergé.

Autre exemple, Bonnello ne filme pas les défilés, pour filmer les défilés. A l’instar du couturier, il fait preuve de créativité. Plans en mosaïque pour observer les réactions simultanées à la présentation des collections ou encore, défilé de 1968 mis en parallèle avec les événements de mai…

Cependant, l’ennui est bien là lui aussi. Et peut-être même davantage que dans le premier film… Revenons au montage évanescent que nous évoquions tout à l’heure : il existe pour nous traduire l’état d’esprit du personnage qui a le succès et l’argent mais qui est « las » de sa vie… On est dans sa tête, On baigne dans ses tourments, dans une ambiance dépressive sans doute réaliste en ce qui concerne Yves Saint-Laurent, surtout à ce stade de son existence, mais qui finit par peser sur 2 h 30…

Du coup, les autres comédiens sont un peu trop effacés… Ceci dit, ce n’est pas trop gênant pour Léa Seydoux ou Aymeline Valade qui n’apportent rien et par conséquent, n’ont rien à faire là. En revanche, cela l’est plus pour Jérémie Renier (plutôt bon en Pierre Bergé).

C’est dommage parce que sur le plan cinématographique pur, le projet de Bonello est bien plus intéressant que celui de Lespert mais il finit par être plombé par ces longueurs…

Un conseil en tous cas : visionner au préalable la version avec Pierre Niney permet de connaître les grandes ligne de la vie du grand couturier façon « Yves Saint-Laurent pour les nuls », pour ensuite mieux comprendre et apprécier celle avec Gaspard Ulliel.

En fait, le projet idéal eut été de faire un mix des deux…

La note d’Etats Critiques : 6/10

Saint-Laurent

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Blopic, drame. France. Réal : Bertrand Bonello. Avec : Gaspard Ulliel, Jérémie Régnier, Léa Seydoux.   Les années fastes et troubles du grand couturier Yves Saint-Laurent… 

Sorti depuis le 24 septembre 2014

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