Chronique forte et touchante de la défaite…

Dix ans après Joyeux Noël, le cinéaste Christian Carion évoque l’exode des populations qui a suivi la défaite de l’armée française face aux troupes d’Hitler dans son nouveau film En mai fais ce qu’il te plaît.

Partons à la rencontre de destins bouleversés par les circonstances tragiques de l’Histoire…

Contrairement à son homologue américain, le cinéma français a souvent des difficultés à évoquer son passé douloureux. Peu de films sur l’Indochine, peu de films sur la guerre d’Algérie etc…

La faute à la prépondérance des logiques économiques de plus en plus prégnantes dans un contexte de crise. Les chaînes de télévision préfèrent miser essentiellement sur des productions familiales diffusables ainsi en prime-time comme nous l’avons souvent évoqué ici.

Cependant, tout n’est pas noir dans  les salles obscures françaises, il y a parfois de la lumière.  Le nouveau long-métrage de Christian Carion la fait jaillir.

Pourtant, on pouvait craindre le pire, pour peu que l’on se souvienne de Joyeux Noël dans lequel le réalisateur mettait en scène les fraternisations au cœur des tranchées durant le début de l’hiver 1914, qui aboutit malheureusement à un film naïf et mièvre…

Heureusement, son approche de la débâcle et surtout de l’exode massif des populations qui a suivi ne souffre pas du même défaut.

Il nous dévoile plusieurs destins en parallèle : un résistant allemand (August Diehl) réfugié en France avec son enfant, des villageois emmenés par leur maire (Olivier Gourmet), un soldat écossais (Matthew Rhys) cherchant à rejoindre l’Angleterre, le tout en passant élégamment d’une langue à l’autre, se révélant très à l’aise pour diriger un casting international.

Ses acteurs ont le ton juste et ne tombent pas dans l’excès. Mathilde Seigner  réussit l’exploit de ne pas être insupportable pour une fois ! On aime aussi beaucoup Alice Isaaz (la révélation de la Crème de la crème (2014) de Kim Chapiron), parfaite en jeune institutrice courageuse qui protège comme elle peut les enfants des horreurs du moment (voir en cela la scène de la fable de la Fontaine).

Même Laurent Gerra dont la présence au cinéma peut paraître incongrue (il est imitateur avant d’être acteur) surprend en étant plutôt bon. Pour relativiser la chose, on peut quand même préciser que Carion l’a bien aidé en lui offrant un rôle sur mesure de franchouillard amateur de bon vin ! Pas vraiment un rôle de composition !

Mais on aime surtout le choix du réalisateur de ne rien éluder de la violence sans avoir besoin de la montrer aussi crûment que Spielberg, la suggestion la rend ici beaucoup plus forte.

Chacun semble marqué par la dureté des événements. Dans la séquence où le réalisateur allemand Arriflex (Thomas Schmauser) croise les villageois et les filme, on découvre des visages exprimant un profond désarroi comme si, la défaite prenait corps sur leurs traits…

Ce sentiment est renforcé par la très belle mélodie d’Ennio Morricone (véritable légende qu’on ne présente plus) qui offre une musique qui colle parfaitement à l’atmosphère du film…

Le personnage d’Arriflex  permet d’aborder les reportages allemands totalement mis en scène à destination de leurs actualités cinématographiques. Un aspect méconnu de la guerre.

Pour parachever sa vision de l’exode, le réalisateur, le vrai, Christian Carion, parsème son récit de petits instants d’humour savoureux sans tomber dans l’angélisme de Joyeux Noël.

Un bémol cependant à signaler dans cette franche réussite : les scènes des bombardements sont totalement ratées et manquent d’ampleur, la faute essentiellement à une animation des avions approximative qui ne ressemble à rien (on dissimule le mauvais rendu grâce à la vitesse…) et trahit vraiment une oeuvre forte et touchante.

La note d’Etats Critiques : 8/10

En mai fais ce qu’il te plaît.

Drame, guerre. France. Réal : Christian Carion.  Avec : August Diehl, Olivier Gourmet, Mathilde Seigner. 

Hans, un résistant au régime nazi réfugié dans un village du Nord de la France est arrêté et emprisonné à Arras pour avoir caché sa véritable identité. Pendant ce temps, son village doit évacuer et rejoindre des millions de français fuyant l’avancée éclair des Allemands en ce mois de mai 1940.

Suite au bombardement d’Arras, Hans se retrouve à son tour sur les routes et va tenter de retrouver son fils…   

Sortie depuis le 04 novembre 2015.

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