À la découverte de Burdigala Production (3/4)

Troisième partie de notre entretien avec Olivier Bureau et Guillaume Baldy. On y parle du rôle des chaînes de télévision dans la production cinématographique hexagonale, de la place du cinéma français dans le monde et des festivals de cinéma comme Sundance, Cannes et le FIFIB bien sûr ! 

Bureau-Baldy

Revenons-en à la production et en particulier aux chaînes de télévision qui produisent beaucoup de films un peu « consensuels » et « diffusables » à 20 h 50 un dimanche soir… Est-ce que cela ne nuit pas à la production ?

OB – Non parce que si les chaînes de télé ne produisaient pas, il n’y aurait pas de cinéma français, Dans la Brume c’est TF1 je crois ?

Oui j’étais surpris d’ailleurs qu’ils produisent cela, parce que ce n’est pas trop dans leurs habitudes…

OB – Oui mais il n’y a pas de sang donc ça passe. C’est totalement montrable.

C’est vrai, même les morts sont suggérés…

C’est propre ! Si t’as pas de chaînes de télé, t’as pas de films en France donc t’es obligé de passer par elles.

Brume
Romain Duris et Olga Kurylenko dans Dans la Brume (© Mars Films)

On se tape quand même des comédies insipides au kilomètre chaque année…

Oui mais c’est elles qui font vivre le cinéma français ! Le CNC [Centre National de la Cinématographie et de l’Image Animée] vit de Kev Adams et de Dany Boon.

Aujourd’hui, sur chaque ticket vendu, tu as une part qui va au CNC.

Pour qu’il gagne de l’argent, il faut vendre des tickets et qui vend des tickets ? C’est Disney, Marvel… et c’est Danny Boon et ces mecs-là ! Heureusement qu’ils sont là, sinon le CNC n’existerait pas !

Il n’y aurait même plus de cinéma français…

Terminé !

Donc grâce à cela, on est un des seuls pays en dehors des Etats-Unis, de l’Inde et du Nigeria, je crois, à avoir un cinéma « propre » …

Oui, avec la Chine aussi. En termes de ventes internationales, on est 2e après les États-Unis : le 2e cinéma le plus exporté dans le monde.

Parce que le cinéma indien ou nigérian reste exploité sur place ou en Afrique (pour le cinéma indien), alors que le cinéma français, tu le retrouves partout !

J’ai vécu au Brésil, toutes les semaines, tu avais un film qui sortait avec Omar Sy, Jean Dujardin… Dany Boon pas tellement (pas là où j’étais en tous cas), il est très typé « humour français », alors qu’un film avec Omar Sy va se vendre dans 50 pays.

Très peu de gens ont cette aura. Il y a Ricardo Darin, le « Depardieu argentin », quelques acteurs italiens… Et après il y a des acteurs comme Javier Bardem que les États-Unis ont contribué à faire connaître.

Il faut savoir que sur 100 films vendus, 90 sont américains, 5 sont français et les 5 restants, c’est le reste du monde. Du coup, le reste du monde essaie de gratter la part française, pas la part américaine, elle est imprenable.

Vu ce contexte, vendeur international c’est difficile. Nous qui avons un catalogue qui n’est pas français mais brésilien, argentin, espagnol etc… c’est compliqué parce que c’est pas le cinéma privilégié de la vente internationale, donc il faut avoir des titres qui plaisent, ou sinon il faut être dans des sélections de Festivals de série A (Cannes, Venise, Toronto, Sundance, Berlin…) mais on n’a pas encore accès à ces films-là.

Et le marché du film à Cannes, vous n’y avez pas accès non plus ?

Si, on y va tous les ans. Mais c’est pas là que tu vends ton film. Les films vendus au Marché du film, c’est, soit les films de la sélection, soit les gros films d’action de série B, type de ceux mettant en scène l’acteur suédois Dolph Lundgren, cela se vend très bien parce qu’il y un mec connu, tu sais ce que t’achètes, tu vois l’affiche, t’as compris.

Les marchés, pour nous, c’est l’occasion de rencontrer nos interlocuteurs, nos clients en fait.

On passe notre année à discuter avec des Coréens, des Japonais, des Polonais, des Turcs qu’on ne voit jamais, si ce n’est à Cannes ou à Berlin, c’est surtout l’occasion de se voir, de boire une bière, de mettre un visage sur les noms et de présenter les nouveaux films qu’on a.

Mais c’est pas un travail facile la vente internationale, parce que comme j’ai dit, il n’y a que 5 % qui se partage tout le gâteau qu’on essaie de vendre…

billet-marché

Après c’est passionnant, il y a un bouillonnement culturel aussi, cela permet de voir des choses vraiment différentes.

GB – Oui, c’est ça qui est bien.

OB – On voit beaucoup de merdes aussi !

Parce qu’à l’heure du numérique, l’avantage c’est que « tout le monde peut faire des films » mais l’inconvénient c’est que « tout le monde peut faire des films » !

Tout le monde n’a pas le talent pour en faire ! Donc oui, on se tape beaucoup de merdes, lui [Guillaume], plus, parce qu’il fait une première sélection pour moi.

GB – Moi j’en peux plus ! [Rires] Mais quand on a la perle, on est content, mais c’est beaucoup d’heures de visionnage de mauvais films pour avoir une petite perle…

OB – Cela devient de plus en plus difficile pour nous d’accéder à des bons films, parce qu’il y a beaucoup plus de vendeurs comme nous qui arrivent à avoir accès aux films en amont, et du coup, il y a de moins en moins de bons films disponibles.

C’est pour cela qu’on travaille avec des distributeurs en France pour leurs « droits télé France » parce que c’est intéressant financièrement.

On a aussi envie de produire des choses parce qu’on sait que la vente internationale va devenir très compliquée.

A part « Making off »,  j’ai vu qu’il y avait « Pollen » aussi. Qu’est-ce que c’est ?

GB – C’est un court-métrage. Un conte merveilleux, il n’y a pas de dialogues, que de la musique. C’est animalier en fait. Tourné avec des loups, avec une panthère… J’ai joué à la Jean-Jacques Annaud du court-métrage ! C’est une œuvre « transmédia » : un recueil de poésie et un court-métrage.

Le court-métrage c’est une fille qui est prête à se faire dévorer par les loups et se fait recueillir par un personnage qui fait des spectacles animaliers et qui va s’occuper d’elle, tout cela en musique, fait avec les moyens du bord.

Quel est le rôle des festivals comme Sundance ou Cannes ?

Les festivals permettent de mettre en avant des films différents, d’auteurs, auxquels nous on n’a pas accès mais qui permettent de faire vivre une industrie du cinéma d’auteur, parce qu’il y a des films qui n’ont pas de vie commerciale.

On participe au FIFIB, on avait un film en sélection il y a deux ans, un film iranien qui est sorti cette année. Il a eu un bel accueil au FIFIB, les deux projections étaient complètes. C’est un film dur qui avait pas mal plu. Typiquement, c’est un film qui nous a rien rapporté mais qu’on a défendu parce qu’on voulait le défendre, c’est un film fort, très très fort !

Après, l’année dernière, j’y suis allé parce qu’il avait un autre film iranien, d’un réalisateur iranien (un copain) avec qui on a bien collaboré. Il a été sélectionné dans plein de festivals de série A, à Venise, à Toronto, il me semble, mais son film ne s’est vendu nulle part, parce que trop compliqué à vendre…

Il n’y aura pas de public. Le public va le voir dans des festivals et c’est terminé ! Le film n’a pas de vie parce que les gens n’iront pas payer pour voir ça… Peut-être que le film se retrouvera sur une plateforme VOD à un moment donné…

Oui, c’est dans ces cas-là que la VOD est vraiment intéressante.

OB – Oui, pour donner accès à ceux qui n’iraient pas le voir en festivals mais c’est pas intéressant financièrement.

Fin de la troisième partie. 

Liens :

Regarder Pollen, le court-métrage réalisé par Guillaume Baldy sur Allociné.

Site officiel de Burdigala Production

Page Facebook et chaîne Youtube de Burdigala Production

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