Vers des tournages éco-responsables

Vendredi dernier, le Bureau d’accueil des tournages de la Gironde, l’ALCA (Agence Livre Cinéma et Audiovisuel en Nouvelle-Aquitaine) et Gironde Tourisme organisaient une table ronde pour réfléchir à la question des tournages éco-responsables à la maison éco citoyenne, quai Richelieu à Bordeaux.

Attention, c’est un peu technique.

MEC

Après une brève introduction de Jean-Marie Marco (directeur général de Gironde Tourisme), Joanna Gallardo, membre de la commission du film d’Île-de-France prend la parole pour présenter Ecoprod qu’elle coordonne.

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Joanna Gallardo (source : Facebook BATG).

Qu’est-ce qu’Ecoprod précisément ?

C’est un collectif « ouvert » crée en 2009 de « plusieurs organismes publics et privés » qui cherche à développer les bonnes pratiques environnementales lors des tournages, Joanna Gallardo nous présente par exemple certains de ses membres comme :

  • La CST (Commission Supérieure de l’Image et du Son) qui regroupe tous les professionnels du secteur, ce qui permet d’avoir un retour sur ce qui peut être mis en place avec les contraintes d’un tournage.
  •  Audiens : « groupe de prévoyance pour le secteur de la culture et la communication qui a une importante politique de développement durable auprès de ses salariés mais aussi de son bâtiment, de ses bureaux ».
  • TF1 initiatives  qui a « une politique RSE (Responsabilité Sociétale et Environnementale) très importante que ce soit en termes de représentativité à l’écran, diversité, accessibilité mais aussi dans la façon dont ils conçoivent leurs programmes ».

Elle pointe un paradoxe : « le cinéma parle des sujets environnementaux et c’est très important d’en parler, de sensibiliser le public mais en fait, comment produit-on [des films] ? Quel est l’impact de cette activité ? C’est bien d’en parler dans le contenu mais au niveau de la forme et des modes de fabrication, il y a peut peut-être un impact ».

Le collectif a donc mené une étude en 2010 (on attend les chiffres de 2018) qui confirme cet impact. Le cinéma émet en effet 1 100 000 tonnes CO2-carbone (mesure d’émissions de dioxyde de carbone de l’activité humaine).

Selon cette étude, c’est la 5e industrie la plus polluante du pays, (l’équivalent de 110 000 tours de la Terre en voiture ou 410 000 allers-retours Paris/New York en avion !).

Autre exemple : un film comme Le Hobbit de Peter Jackson demande « énormément d’effets visuels, énormément d’effets spéciaux, et donc, pour faire ces effets spéciaux, il y a besoin de millions d’heures de calculs de rendu d’images avec des logiciels sur des machines qui tournent 24 h / 24, qui consomment de l’électricité et qui dégagent de la chaleur.

Ce genre de films est très impactant, attention je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire (…), les bonnes pratiques qu’on propose ne remettent jamais en cause le projet artistique (…).

Les outils qu’on met en place doivent s’adapter au projet et pas l’inverse. Si Le Hobbit a envie d’être fait, faisons-le mais effectivement, voyons s’il y a des solutions pour la consommation d’énergie et l’impact de la chaleur ».

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Le Hobbit : Un voyage inattendu (2012).

Quels sont donc les outils proposés par Ecoprod ?

  • Le calculateur en ligne Carbon’Clap : «  un des premiers outils mis en place pour mesurer concrètement combien émettait une production, un film, un documentaire, un film d’animation en terme de carbone pour avoir une idée et mesurer un peu son impact ».
  • Des guides qui recensent les bonnes pratiques à adopter, postes par postes (lumières, décors etc.).
  • Des affiches signalétiques pour le recyclage et le tri des déchets à placer sur la table régie [table de « ravitaillement » pour les équipes sur le plateau].
  •  Des fiches pratiques sur le maquillage, le transport etc.
  • Des formations sont mises en place petit à petit pour inciter à adopter les « éco-gestes » sur les tournages.
  • Mise en place de la « charte Ecoprod » qui incite toute la chaîne de production à développer les bonnes démarches.

Viennent ensuite les retours sur expériences des intervenants, William Abello (chef décorateur dans la série, le cinéma, l’événementiel), Laurent Pierrot (régisseur* et directeur de production**) et Sophie Cornet (consultante développement durable pour Screen Brussels notamment).

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De gauche à droite : William Abello, Joanna Gallardo, Laurent Pierrot et Sophie Cornet        (source : Facebook BATG).

Ce qui est ressorti des témoignages :

  •  Développer le tri notamment autour de la désormais célèbre table régie (« un peu notre cœur de métier » selon Laurent Pierrot qui « génère le plus de déchets »), suppression des petites bouteilles d’eau, favoriser l’utilisation de gourdes et de gobelets réutilisables).
  •  Trouver des fournisseurs qui utilisent des matériaux plus écologiques et les sensibiliser.
  •  Bien anticiper les choses en amont du tournage.
  • Régler le problème des co-productions qui imposent parfois d’envoyer ou de faire venir du matériel de l’étranger (Belgique notamment) ou d’en envoyer pour justifier les dépenses dans le cadre de la coproduction ! (incohérence écologique).
  • Favoriser les produits bios et locaux pour la cantine (exemple de cuisine vegane sur le tournage de Cleo, un film belge, donné par Sophie Cornet).
  • Diminuer les repérages avant tournage (optimiser le travail du repéreur de décors en lien avec le reste des équipes).
  • réutiliser les décors construits (exemple de la « Prison » du film Un Prophète détruite après le tournage en dépit d’un coût de 150 000 €), développer les décors démontables.
  • Sensibiliser les élèves des écoles de cinéma et ne pas hésiter à « parler d’argent » pour connaître les vrais coûts et les optimiser par exemple.
  • Excellente formation théorique dans ces mêmes écoles mais manque d’enseignement des bonnes pratiques, pourquoi ne pas développer un « BAFA Tournage  » ?
  • Développer des lieux fixes pour transmettre les bonnes pratiques plus facilement.

Au final, on constate que beaucoup de petits gestes se mettent en place et c’est bien, il faut les développer, mais il est très difficile encore de changer les choses en profondeur (la consommation électrique notamment, très vite évoquée avec Le Hobbit) parce que les fournisseurs ne sont pas toujours prêts, que chaque tournage est différent et qu’enfin on ne sait pas toujours ce qu’on va faire le lendemain.

L’important étant, sans doute, de mettre l’accent sur la préparation bien en amont du tournage et à partir du moment où une production est « greenlightée » (validée) comme on l’a d’ailleurs évoqué plus haut.

*Régisseur : personne chargée de mettre en place tous les moyens nécessaires (matériels, techniques, logistiques et administratifs) au bon déroulement du tournage. Elle est présente avant, pendant et après le tournage pour restituer les lieux ou matériels utilisés pour le film.
**Directeur de production : personne qui assume les responsabilités de la préparation, de la gestion budgétaire et du bon déroulement d’une production, de la phase de pré-production jusqu’à la fin des prises de vues et généralement jusqu’à la livraison du film (source : fiches métiers cpnef audiovisuel ici et ici).

Liens :

Page Facebook du Bureau d’accueil des tournages de la Gironde.

Site internet du collectif Ecoprod.

Site internet d’ALCA.

Site internet de la CST.

Site internet du chef décorateur William Abello.

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