C’était sans doute la sortie la plus attendue de ce début d’année, pour ne pas dire de l’année tout court ! Imaginez un peu : filmer les tranchées en plan séquence pour donner une sensation d’immédiateté, de temps réel sur un long-métrage entier ! Du jamais vu !
Pour exciter encore davantage notre impatience déjà mise rudement mise à l’épreuve face à un projet aussi fou, des bandes annonces montrant les coulisses du travelling impressionnant sur le no man’s land sont diffusées.
Autant dire que lorsque la publicité s’achève enfin et que le logo UGC s’affiche sur l’écran pour lancer la projection, on s’attend à (re)vivre l’introduction folle d’Il Faut Sauver Le Soldat Ryan (1998) mais avec une intensité encore plus forte.
ATTENTION C’EST LE MOMENT OU L’ON DIVULGÂCHE (UN PEU) LE FILM POUR MIEUX EXPLICITER NOTRE RESSENTI. SI VOUS NE L’AVEZ PAS ENCORE VU, ARRÊTEZ-VOUS À LA PHOTO CI-DESSOUS.
SINON VOUS AVEZ LE FEU VERT DE L’ETAT MAJOR.

Les choses commencent doucement avec un gros plan sur une paisible prairie en avril 1917, un travelling arrière démarre pour nous dévoiler deux jeunes soldats britanniques faisant la sieste…
Il s’agit des Premières Classes Schofield (George MacKay) et Blake (Dean-Charles Chapman), un supérieur réveille le second et leur donne rendez-vous avec le commandement.
Dès lors, comme vous vous en doutez, on ne les quitte plus, suivant leur périple, et les événements à venir de leur unique point de vue avec juste quelques travellings circulaires pour permettre les changements de plans sans recours aux cuts classiques bien sûr… Cela crée un sentiment de fluidité et d’immersion très fort qui capte rapidement l’attention du spectateur.
Blake et Schofield sont chargés par le Général Erinmore (Colin Firth) de transmettre un ordre d’annulation d’attaque à leurs camarades situés derrière les lignes ennemies, car les allemands font tout pour favoriser cette attaque et lancer une contre-offensive meurtrière.
Pour couronner le tout, l’attaque est censée avoir lieu le lendemain et le frère du jeune Blake fait parti des assaillants. Une course contre-la-montre impossible s’engage alors pour tenter d’empêcher la mort inutile de 1 600 hommes…
Les deux hommes sortent alors de la tranchée et rampent dans le no man’s land. C’est parti pour le périple de tous les dangers !… Pas tout de suite en fait parce que les Allemands ont disons, reculé pour mieux sauter… Donc en attendant, on explore, on manque d’être ensevelis dans un tunnel mais surtout, on s’ennuie très vite…
Il ne se passe pas grand-chose, on ne peut même pas vraiment s’attacher au duo car, pour peu qu’on ait vu la bande-annonce, on sait que le pauvre Blake va malheureusement y rester… Et d’ailleurs son agonie dure très longtemps…
Mais il faut bien meubler puisque la guerre est toujours au loin ou hors champs, ce qui est quand même frustrant pour un film soi-disant « immersif » et jamais vu sur la Première Guerre Mondiale… Scofield a, en tout et pour tout, 2 escarmouches seulement, allez, 3, si on compte la mort de son camarade.
Ce manque d’immersion rend à la longue le plan séquence moins intéressant. L’impression de fluidité du début est remplacée par la sensation d’être dans un tunnel, sur des rails, avec des personnages et des spectateurs assez peu bousculés…
Revoyez le début d’Au Revoir Là-Haut (2017) ou Un Long Dimanche de Fiançailles (2004), vous vous apercevrez que la réalisation de ces deux films est bien plus travaillée et inventive lors des scènes dans les tranchées, sans pour autant utiliser le plan séquence…
La haute définition ne rend pas non plus vraiment service au film paradoxalement : tout paraît trop net, trop propre, il n’y a pas de « patine ». L’imagerie reprend aussi certains choix de mise en scène des films précédents de Sam Mendes, notamment Skyfall (2012), voyez plutôt :


N’oubliez pas non plus le contexte historique : on est en 1917, c’est la guerre depuis 3 ans, or, on ne ressent pas d’usure, de malaise, de ras-le-bol dans les troupes. On est la boue, la crasse ? Les rats ?
Il y a aussi enfin les incohérences classiques dans le genre : le héros se fait tirer dessus mais jamais toucher, on combat en France mais l’armée française a mieux à faire que combattre sur son propre sol aux côtés de ses alliés, et les civils ont également disparu…
Si, il y a bien une jeune française (Claire Duburq) avec un bébé que Schofield croise cachés dans une maison, ce qui donne lieu à une scène faussement émouvante pour montrer toute l’humanité des alliés : en effet, le brave soldat oublie sa mission urgentissime pour donner toute sa nourriture et même du lait au bébé ! (Opportunément récupéré dans un ferme quelques heures plus tôt, on est dans un jeu vidéo en fait, non ? …).
Bilan de l’opération donc : pas franchement intéressante… Le procédé de plan séquence impressionne certes, mais ne peut cacher bien longtemps les limites d’un projet qui ne repose que sur lui…
La note d’Etats Critiques : 4,5/10