« The Damned United » (2009)

A l’occasion du match amical de ce soir France-Albanie, dernière rencontre de la saison pour les joueurs de Didier Deschamps nous vous proposons de découvrir un excellent film sur le football, The Damned United qui, on en prend le pari, plaira même aux non-initiés. Installez-vous confortablement dans les tribunes, le coup d’envoi est imminent…  

The Damned United

Qu’on le veuille ou non, le football reste le seul et l’unique sport mondial, n’en déplaise aux aficionados de l’Ovalie… Il est donc normal qu’une industrie toute aussi mondiale que le cinéma s’y intéresse. Nombreuses ont été alors les tentatives d’un mariage entre les deux mais peu aboutirent à des unions heureuses…

Est-ce vraiment utile d’évoquer des films aussi navrants que 3 zéros (2001) ou Les Seigneurs (2012) ? Des comédies lourdingues qui n’amusent que leur réalisateur…

Il y a bien eu quelques projets plus intéressants comme Coup de tête (1979) de Jean-Jacques Annaud, l’hommage de Ken Loach à Eric Cantona dans Looking for Eric (2009) ou encore plus récemment le film franco-belge Je suis supporter du Standard  (2012) mais malgré leurs qualités, ces exemples n’étaient pas à la hauteur de ce sport capable d’emporter les foules…

En 2005 pourtant sortait Goal : la naissance d’un prodige avec une ambition simple : offrir enfin un grand film à la dimension du Ballon Rond. Malheureusement, l’itinéraire du jeune mexicain Santiago était bien trop convenu pour nous faire rester dans les tribunes…

La chute au classement se poursuivra l’année suivante avec Goal 2 : la consécration allant même jusqu’à la relégation fatidique en 2008 avec Goal 3 : taking on the world qui ne connaîtra même pas les honneurs d’une sortie en salle…

Mais en football, la délivrance peut subvenir à chaque instant tant que l’arbitre n’a pas sifflé la fin de la partie, à l’image de la tête rageuse de Laurent Blanc qui inscrit le but de la qualification contre le Paraguay de Chilavert en 1998…

Pour le supporter cinéphile cette délivrance survient en 2009 non pas avec le film de Ken Loach déjà évoqué, mais avec The Damned United, « l’Equipe Maudite » en bon français. L’acteur britannique Michael Sheen (que l’on peut voir en ce moment dans Loin de la foule déchaînée) y incarne Brian Clough, une légende du football d’outre-manche.

Le film revient sur les 44 jours de l’entraîneur à la tête de Leeds en 1974. Il succède à Don Revie (Colm Meaney), l’homme emblématique qui a tout gagné et fait de ce club le premier du pays. Mais il y a un contentieux entre les deux : Clough n’a pas pardonné à Revie de l’avoir ignoré lors d’un match de Cup qui voyait son petit club de Derby County affronter le champion d’Angleterre en 1968. Il veut casser à tout prix l’héritage de son prédécesseur au risque de se mettre à dos tout un club…

Il défend une approche attrayante du football basée sur le jeu en équipe et faisant la part belle aux qualités techniques des joueurs. Cette méthode lui a permis de propulser Derby County au sommet quelques années auparavant. Le cinéaste Tom Hooper (futur réalisateur du Discours d’un Roi (2010)) articule brillamment son film entre ce passé de tous les succès pour Clough et le présent (1974) beaucoup plus difficile à Leeds.

Les idées prônées par Clough nous apparaissent aujourd’hui tellement naturelles grâce à l’exemple flamboyant du Barça, mais elles étaient très loin d’être entrées dans les mœurs à l’époque…

La jolie vitrine de la Premier League nous l’a fait oublier mais le football britannique n’a pas toujours été aussi spectaculaire et agréable à regarder. Pendant longtemps en effet, il était surtout connu pour être très physique, « dur sur l’homme »…

On redécouvre grâce à ce film cet aspect nettement moins glorieux où les violences, les mauvais gestes et même le non-respect de l’arbitre étaient monnaie courante…

Comment d’ailleurs rendre le football cinématographique ? Question épineuse pour un cinéaste. Il semble en effet difficile de mettre des caméras au milieu des joueurs sans que cela ne paraisse trop artificiel…

Tom Hooper résout intelligemment ce problème en ne montrant que des extraits de matchs joués par des acteurs et en se concentrant davantage sur l’ambiance du stade et des vestiaires, le tout complété par des vidéos télévisées des rencontres évoquées.

Ce travail sur l’ambiance est particulièrement marquant dans la séquence où Derby County rencontre pour la première fois Leeds en championnat après son accession en Division 1 : Brian Clough est tellement stressé qu’il reste prostré dans les vestiaires sous les tribunes en fixant anxieusement l’horloge, ne se fiant qu’aux réactions de ses supporters…

Mais un entraîneur c’est aussi un adjoint. Celui de Clough s’appelle Peter Taylor (Timothy Spall). Les deux hommes sont extrêmement complémentaires, à tel point qu’ils développent une relation professionnelle presque amoureuse avec ses joies, ses peines, ses disputes… Ce choix fort de Hopper, en plus d’être fidèle à la réalité, les rend encore plus vivants et attachants.

Leurs désaccords sont nombreux car Clough a le défaut qu’ont souvent les entraîneurs bâtisseurs : le « jusqu’au boutisme », autrement dit « j’ai raison contre le monde entier ». Ainsi lorsque son président lui demande de ménager ses titulaires en championnat pour privilégier un match de Coupe d’Europe contre la Juventus de Turin, il refuse. Hors de question pour lui  de brader une rencontre contre l’ennemi juré Leeds qui, du coup, ne se prive pas de « casser » de nombreux joueurs importants de Derby… Leur absence coûtera la victoire contre la Juve en Coupe d’Europe…

Il avait aussi une haute opinion de lui et un sens inné de la formule, citons par exemple : « je ne dirais pas que je suis le meilleur entraîneur mais je suis dans le Top 1 », preuve irréfutable qu’un certain Ibrahimovic n’a rien inventé !

Il est vrai que son palmarès parle pour lui : après Leeds, il remporte deux années de suite la Coupe des Clubs Champions (future Ligue des Champions) avec Nottingham Forrest en 1979 et 1980, faisant de ce club le seul à posséder plus de titres  C1 que nationaux !

Sans occulter ses défauts, The Damned United rend justice à un homme méconnu de ce côté-ci de la Manche mais dont les convictions de jeu ont durablement marqué son sport…

2 commentaires

  1. Lorsque tes deux univers se rencontrent, cela ne peut donner qu’une critique gonflée à bloc qui va droit dans la lucarne sans tâcle superflu ! 😉

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