Les belles intentions de Joann Sfar…

Cinq ans après avoir marqué les esprits avec Gainsbourg (Vie héroïque) (2010) qui nous offrait une vision très personnelle et poétique de la vie du grand Serge, le cinéaste-dessinateur revient sur nos écrans avec de belles intentions mais sans confirmer les promesses du premier film… 

dameauto

Onze ans après Jean-Pierre Jeunet, Joann Sfar choisit d’adapter à son tour une oeuvre de Sébastien Japrisot, La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil, qu’il transforme en un road-movie étrange et déroutant porté par la jeune actrice franco-britannique Freya Mavor.

Elle irradie le film de son magnétisme. Sfar d’ailleurs ne s’y trompe pas et renforce son charisme avec plusieurs plans où on la voit en multiples exemplaires grâce à des jeux de miroirs.

Le film baigne dans une ambiance caractéristique grâce au soin apporté à l’éclairage qui atténue les couleurs, créant une atmosphère surannée et floue qui fait naître une forme de malaise entre rêve et réalité…

On avait déjà pu apprécié ce travail assez génial sur la lumière dans Gainsbourg (vie héroïque) où à chaque femme de la vie du chanteur correspondait une atmosphère lumineuse bien précise…

Joann Sfar ne s’arrête pas là et a aussi le souci du détail jusque dans les panneaux routiers d’époque !

Ce n’est pas grand chose mais cela permet d’ancrer le film dans une réalité, de lui donner une crédibilité. La voiture Thunderbird aussi fait son petit effet d’autant qu’elle est bien moins anodine qu’il n’y parait…

La musique joue également un rôle important qui renforce l’étrangeté du film.

Mais malgré toutes ses belles intentions, cela ne fonctionne pas.

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil souffre du « syndrome premier film » sauf que… Ce n’est pas un premier film !

Sfar donne le sentiment de se comporter en réalisateur débutant voulant trop bien faire : il multiplie les effets (plans en mosaïque « très BD », plan en surimpression qui mêle la voiture et la route…) dans une recherche esthétique louable mais très vite génératrice de longueurs…

Sans doute a-t-il connu un tel moment de grâce avec Gainsbourg (Vie Héroïque) (2010) que son vrai premier film arrive seulement maintenant !

Plus précisément, il n’arrive pas à véritablement  s’approprier son sujet, à y apporter sa « patte ».

Par conséquent, les deux thématiques principales du film sont mal exploitées :

La  représentation de la folie d’abord : dans les scènes où Dany (Freya Mavor) se parle à elle-même, il y a pas vraiment de dimension effrayante ou dérangeante comme cela peut être le cas avec De Niro dans Taxi Driver (1976) par exemple…. Ici, on est vite ennuyé pour ne pas dire,  agacé !

Le film développe également une dimension onirique forte : la filiation avec Mulholland Drive (2001)  est de ce fait très marquée mais pas totalement assumée puisque tout est explicité à la fin !

Or, le doute a parfois du bon, surtout quand on oscille entre rêve et réalité mais n’est pas David Lynch qui veut !

Signalons tout de même que La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil a au moins deux mérites : prouver que Freya Mayor est une véritable actrice et que Biolay est un véritable chanteur !

Son jeu inexpressif est épouvantable et ne soutient évidemment pas la comparaison face à sa jeune mais très prometteuse, collègue. À la rigueur, son timbre de voix « caverneux » sauve un peu les meubles…

Ce nouveau Joann Sfar déçoit donc profondément malgré la belle mise en lumière (dans tous les sens du terme) d’une jeune comédienne qu’il faudra suivre dans les mois  et les années qui viennent à n’en pas douter.

En résumé, le cinéphile qui nous habite ressort frustré et ne peut s’empêcher de penser que cette nouvelle adaptation de Sébastien Japrisot aurait eu une autre allure si Jean-Pierre Jeunet s’était placé derrière la caméra comme il l’a fait brillamment avec Un long dimanche de fiançailles en 2004…

La note d’Etats Critiques : 4/10

La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil.

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Thriller. France, Belgique. Réal : Joann Sfar.  Avec  : Freya Mavor, Benjamin Biolay, Elio Germano. 

Le périple étrange et mouvementé d’une jeune secrétaire au volant de la Thunderbird de son patron…  

Sortie depuis le 05 août 2015.

 

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