Le réalisateur de The Queen (2006) s’attaque depuis mercredi au Roi du dopage Lance Amstrong en nous donnant à voir une description implacable du « programme » qu’il a mis en place pour triompher…
Cette semaine les salles obscures nous offrent la possibilité de nous plonger dans le côté sombre de la Grande Boucle en revenant sur le parcours de son plus grand tricheur : Lance Amstrong.
Stephen Frears met en scène l’ascension fulgurante du cycliste américain qui, après avoir vaincu le cancer, remporta sept fois d’affilée le Tour de France, suscitant l’admiration de tous…
Tous ? Non, le journaliste David Walsh (Chris O’Dowd) résiste encore et toujours à l’emballement général.
L’histoire paraît effectivement bien trop belle pour être vraie… Seulement, un an après le scandale de l’affaire Festina (on est en 1999), l’image d’un champion ayant vaincu la maladie avant de se sublimer pour gagner, est une aubaine pour les médias et les instances du cyclisme international. C’est le « Tour du Renouveau »…
Il faut vendre du rêve pour redonner envie au public de s’intéresser à la petite reine et grâce à cela, inciter les sponsors à investir en masse à nouveau.
David Walsh paraît bien seul à émettre des doutes sur les performances incroyables du champion américain… Il faut dire que Lance Amstrong a élaboré un protocole (le programme du titre) très précis qui lui permet d’échapper aux contrôles anti-dopage (EPO indétectable à l’époque, transfusions sanguines, injection de produit pour faire baisser le taux d’hématocrite avant un prélèvement sanguin…).
Sous l’impulsion du docteur Michele Ferrari (Guillaume Canet) le dopage passe à l’échelle industrielle au sein de l’US Postal.
Ce système extrêmement bien rodé se déploie magistralement sous nos yeux, brillamment porté par des interprètes qui, eux, ne trichent pas et adoptent le ton juste. Ben Forster est impressionnant de mimétisme, parvenant à avoir le même charisme que le véritable Amstrong. Ses scènes à l’hopital pendant le traitement anti-cancer sont saisissantes.
Même Guillaume Canet est au diapason malgré la difficulté de son rôle (pas forcément facile pour un français de jouer avec l’accent italien sans tomber dans la caricature…), il s’en sort très bien, campant un docteur glaçant qui réduit l’entraînement à de la simple chimie…
On aime aussi la réalisation de Frears qui nous offre de belles séquences grâce à plusieurs plans assez iconiques qui transcendent bien le sujet :
La séquence d’ouverture du travelling avant qui rattrape Amstrong tandis que la bande-son s’emplit de sa respiration saccadée, ou encore la solitude de David Walsh abandonné par le cortège de voitures de ses collègues après une conférence de presse houleuse. Citons également le saut dans le lac d’Amstrong, allégorie de sa chute…
A côté de cela, d’autres effets comme le recours systématique aux coupures de presse à l’écran pour marquer les réactions de l’opinion publique face aux exploits du Maillot Jaune alourdissent le film en lui donnant un côté trop répétitif.
D’autre part, la mention du nom des différents protagonistes lors de leur apparition donne un aspect documentaire qui fait perdre de sa puissance à l’incarnation de Ben Foster, on sort de la tête d’Amstrong.
C’est d’autant plus dommageable que cet aspect documentaire pêche, souffre d’approximations ou encore d’anachronismes (mention de l’EPO avant sa découverte officielle par exemple). Les étapes clés du Tour de France ne sont pas assez détaillées, cela manque d’immersion pour nous permettre de ressentir véritablement l’atmosphère d’intimidation et d’omerta de l’époque.
L’enthousiasme des médias que nous évoquions tout à l’heure doit aussi être quand même nuancé avec le travail du journal L’Equipe qui a émis assez vite des doutes sur l’honnêteté du leader de l’US Postal mais malheureusement le quotidien sportif français n’est pas mentionné.
Enfin, les ellipses (pourtant nécessaires tant le sujet est vaste) sont trop nombreuses et perdent le spectateur qui n’a pas une connaissance suffisamment précise de ces événements. Le récit est aussi bien trop rapide mais peut-être est-ce pour symboliser l’allure folle d’Amstrong qui a survolé le Tour pendant 7 ans ?!
Au-delà du portrait d’un tricheur, The Program est avant tout un hommage vibrant à la persévérance d’un homme (David Walsh) pour dénoncer un athlète qui a totalement décrédibilisé le cyclisme voire même le sport de haut niveau en général… Et pour longtemps.
La note d’Etats Critiques : 7,5/10
The Program.
Drame. Grande-Bretagne, France. Réal : Stephen Frears. Avec : Ben Forster, Chris O’Dowd, Guillaume Canet.
Le combat d’un journaliste irlandais pour confondre l’un des plus grands tricheurs de l’histoire du sport au travers d’un « programme » très spécial…
Sortie depuis le 16 septembre 2015.
Une critique qui en a sous la pédale ! 😉
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