Depuis une semaine, Steven Spielberg est de retour dans les salles obscures avec son nouveau film Le Pont des Espions. Mais est-il vraiment de retour avec une oeuvre enfin digne du talent dont il a fait preuve il y a bien (trop) longtemps déjà ? Réponse ici.
Depuis dix ans et Munich, c’est peu dire que les réalisations du père des blockbusters étaient décevantes : un retour d’Indiana Jones sans queue ni tête en 2008, une adaptation assez moyenne de Tintin en 2011 qui ressemblait un peu trop à ce même Indiana Jones, un Cheval de guerre (2012) dégoulinant de guimauve et pour finir un film biographique sur Lincoln (2013) qui risque de faire mourir d’ennui des générations de petits écoliers américains…
Pourtant, malgré ce passif pour le moins significatif, on est confiant au moment de découvrir son nouveau projet parce qu’il retrouve un de ses acteurs fétiches (Tom Hanks) dans un contexte historique (la Guerre Froide).
Evidemment, on pense encore une fois à Il faut sauver le soldat Ryan et à ses 20 premières minutes incroyables mais aussi à la Liste de Schindler (1994), films dont nous avons déjà parlé ici.
L’Histoire est un domaine de prédilection pour le cinéaste qui lui a valu succès et reconnaissance (Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur pour ces deux films-là notamment).
Un vieil homme peint dans son petit appartement mais aussi dehors de temps en temps… Il semble mener une vie solitaire, tranquille, quand au détour d’un banc, il récupère ce qui paraît être une pièce de monnaie…
Bientôt, l’homme est pris en filature, avant que les fédéraux ne se décident à investir et fouiller son appartement, tout en lui signifiant son arrestation. Il est accusé d’espionnage au profit du grand ennemi soviétique.
Mais curieusement, l’homme ne s’affole pas et fait preuve d’un calme olympien. Le jeu tout en détachement de Mark Rylance est totalement déroutant. L’inquiétude et la peur semblent être pour lui des émotions totalement étrangères, on l’envierait presque !
Il est défendu par James Donovan (l’inégalable Tom Hanks), un avocat spécialisé dans les assurances et la tâche s’annonce des plus ardues, le juge considérant son client comme un ennemi. Dès lors, pourquoi s’embarrasser de la procédure en temps de guerre ?
Plus qu’une véritable reconstitution, Spielberg réussit brillamment à nous faire très bien ressentir l’atmosphère fiévreuse et paranoïaque de l’époque. Les deux camps s’observent en chiens de faïence, guettant le coup de poignard dans le dos à chaque instant…
La guerre nucléaire est plus que jamais d’actualité… On diffuse dans les classes des vidéos effrayantes aux enfants, le propre fils de Donovan est convaincu d’une attaque imminente.
Il n’y a guère que l’avocat de Brooklyn pour croire à un dénouement sans heurts.
Au-delà de l’histoire d’espionnage, le film est un vibrant hommage aux hommes de l’ombre qui ont œuvré au respect du droit et à l’apaisement entre les deux grandes puissances et éviter un affrontement fatal…
Pour filmer tout cela, Spielberg opte pour une réalisation classique sans artifices hormis l’utilisation intensive de la brume et du contre-jour dans les scènes d’intérieur (fort éclairage des fenêtres en arrière-plan dans des pièces embrumées), un effet caractéristique de son cinéma qui lui permet de renforcer la dramatisation et et la solennité des séquences.
On retrouve donc le père d’E.T. tel qu’on l’aime avec un sujet fort et une mise en scène soignée qui se met au service de son propos même si elle n’échappe pas à de petites baisses de régime préjudiciables mais pas rédhibitoires.
C’est officiel : Steven Spielberg est bien de retour !
La note d’Etats Critiques : 7/10
Le Pont des Espions (titre original : The Bridge of Spies).
Thriller. Etats-Unis. Réal : Steven Spielberg. Avec : Tom Hanks, Mark Rylance, Scott Shepherd.
James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve chargé de défendre un homme soupçonné d’espionnage au profit de l’Union Soviétique. La tâche s’annonce impossible dans un contexte de Guerre Froide où chacun des deux géants est prêt à tout pour se protéger…
Sortie depuis le 02 décembre 2015.