Quatre ans après The Immigrant (2013), le cinéaste américain change totalement de registre et nous invite au voyage au cœur de l’Amazonie dans son nouveau film The Lost City of Z. Dépaysement garanti.
Qui n’a jamais rêvé de partir à l’aventure en regardant des films comme Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1980) ou en lisant Jules Verne (cette dernière suggestion étant davantage valable pour les plus vieux d’entre nous… et encore !!!).
Depuis un peu moins d’un mois, James Gray nous propose de découvrir le destin de l’explorateur irlandais Percival Fawcett (Percy pour les intimes) qui fut mandaté au début du siècle dernier par la Société Géographique Royale de Londres pour cartographier un secteur inconnu de l’Amazonie.
Le film s’ouvre sur une impressionnante chasse à cour dans les prairies d’une somptueuse propriété à Cork en Irlande, où quelques membres de la haute société britannique poursuivent un magnifique cerf.
Parmi eux, Percy Fawcett bien sûr, s’illustre particulièrement en tentant une manœuvre hardie. James Gray soigne souvent ses entrées en matière, on se souvient encore de l’ouverture torride entre Joaquin Phoenix et Eva Mendes dans La Nuit nous appartient (2007) au son du tube de Blondie, Heart of Glass…
D’ailleurs, en parlant de Joaquin Phoenix, The Lost City of Z marque un événement considérable dans la filmographie de Gray : il n’est pas là ! Le réalisateur américain tourne pour la première fois sans son acteur fétiche depuis Little Odessa (1994) !
C’est le jeune Charlie Hunnam qui le remplace et nous offre une surprise de taille : c’est un bon acteur ! On se remémore en effet douloureusement son jeu totalement platonique (au mieux) dans Pacific Rim (2013), sans doute le plus gros raté de la carrière de Guillermo Del Toro…
Mais par bonheur, ce souvenir désagréable est éclipsé par une prestation tout en nuance et en évolution. Percy Fawcett est d’abord dépeint comme un jeune major heureux en amour mais totalement obsédé par l’idée de faire ses preuves en société, sans doute pour faire oublier un ancêtre peu glorieux comme cela est sous-entendu lors du bal qui suit la partie de chasse…
Cette scène rappelle les grandes fresques comme Le Guépard (1963), on sent Gray à l’unisson de son personnage, plein d’ambition pour ce nouveau projet.
Comme lui, il prend des risques (Au revoir Phoenix, tournage en Colombie loin de sa chère New-York). Mais là s’arrête la comparaison entre le metteur en scène et son personnage.
Rapidement en effet, l’exploration menée par Fawcett lui ouvre les yeux et lui fait prendre conscience que sa propre vanité et celle de la société occidentale d’où il provient est totalement ridicule. Il comprend très vite que les Indiens malgré leur mode de vie dit « primitif » n’ont rien à nous envier en matière de civilisation.
Il se sent alors en décalage avec ses contemporains encore enfermés dans le mythe du « bon sauvage » de préférence arriéré… Il acquiert la conviction qu’il existe une cité perdue, de la dimension de ce que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de mégalopole. Ce serait le lien, le chaînon manquant entre les civilisations, qu’il appelle Z.
On est fasciné par cette soif de découverte qui l’anime en dépit de tous les scepticismes et surtout de tous les dangers. Les scènes dans la jungle sont incroyablement réalistes, la maigreur des acteurs éprouvés par les dures conditions de vie est impressionnante. Robert Pattinson est particulièrement méconnaissable et fait oublier le rôle de vampire beau gosse qui l’a rendu célèbre.
Son entrée en scène en tant que futur fidèle assistant de Fawcett détonne déjà. Les deux hommes sont alors dans le bateau qui les mène vers leur destin dans la jungle. Barbu et passablement éméché, il déplaît à Fawcett qui lui confisque sa flasque d’alcool et la vide sur le sol, offrant un joli effet de transition avec le liquide qui coule… comme un train !
Le personnage de Pattinson a sa place comme tout les autres personnages secondaires, à l’image de la femme de Fawcett (Sienna Miller, parfaite) qui le soutient mais qui ose le critiquer lorsqu’il refuse qu’elle l’accompagne dans un nouveau voyage parce que ce « n’est pas la place d’une femme ». Cette séquence témoigne que Fawcett malgré ses convictions avant-gardistes sur les Indiens n’en demeure pas moins un homme de son temps, cela permet à James Gray d’éviter l’écueil de l’admiration béate, en n’éludant pas les contradictions de l’explorateur.
Mais revenons-en à l’exploration proprement dite. Elle est très bien rendue, surtout la difficulté de progression dans la forêt, la souffrance physique et psychique ainsi que la peur d’attaques indiennes crée une tension, pas omniprésente mais bien présente.
Le seule grain de sable dans la machine est la parenthèse première guerre mondiale : elle qui se comprend du point de vue de la construction du récit (Fawcett ne peut échapper à la mobilisation) mais vient comme un cheveu sur la soupe, la faute à une scène improbable où l’explorateur, redevenu militaire, rencontre une voyante qui lui rappelle sa chère Amazonie perdue… Réellement ridicule et superflu.
Mais on pardonne cette petite maladresse tant le reste de ce long-métrage est fascinant, prenant, envoûtant et témoigne magnifiquement que l’humanité ne se résume pas à la culture occidentale.
La note d’Etats Critiques : 8/10
The Lost City of Z.
Aventure. Etats-Unis. Réal : James Gray. Avec : Charlie Hunnam, Sienna Miller, Robert Pattinson.
En 1906, le Major Fawcett se voit confier la mission de cartographier une zone inexplorée de l’Amazonie. Son voyage bouleverse ses convictions et il est bientôt obsédé par l’idée de découvrir une cité perdue qui ferait le lien entre toutes les civilisations…
Sorti depuis le 15 mars 2017.
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