Benoit Poelvoorde anti gaulliste !

Depuis aujourd’hui, l’acteur belge incarne dans l’excellent Profession du père, un homme profondément anti gaulliste qui va entraîner son fils dans sa « guerre personnelle » contre le Général…

Pour son nouveau film, le cinéaste Jean-Pierre Améris retrouve l’un de ses comédiens fétiches après Les Emotifs Anonymes (2010) et Une Famille à Louer (2015), pour adapter le roman éponyme de Sorj Chalandon qui évoque son père tyrannique et mythomane.

C’est une réussite !

On découvre une France méconnue marquée par la guerre d’Algérie, loin du culte autour du fondateur de la Ve République, tout cela du point de vue du jeune garçon, magistralement interprété par Jules Lefebvre (photo).

« Il a une vivacité, une espièglerie en lui (…) explique le réalisateur, que nous avons eu le plaisir de rencontrer lors d’une avant-première à Bordeaux.

Il veut jouer. Il est sur le jeu, un jeu dangereux » mais qui reste un jeu pour lui.

En effet, l’enfant garde une joie de vivre. Le spectateur voit le monde avec ses yeux.

On a donc, comme l’explique encore très bien le cinéaste, que des « bribes de choses qui nous viennent » (des images à la télévision, un nouveau camarade d’école, des noms étranges donnés par Papa…).

Jean-Pierre Améris marque cette perception dans sa mise en scène : on pense, par exemple, à cette séquence, dans laquelle le père parle à son fils qui le suit du regard, au travers d’un plan panoramique en légère contre-plongée, pour marquer son admiration…

Mais il n’y a malheureusement pas que de l’admiration, il y a aussi de la peur…

On sent la tension pendant les repas, Poelvoorde est glaçant et semble sur le point d’exploser à tout instant. Améris exploite magnifiquement la « part d’ombre » de son comédien qui prouve, une fois encore, que son talent ne se limite pas à sa puissance comique.

Même son « fils de cinéma » devient inquiétant à mesure qu’il entre dans le délire de son père…

Là encore, Améris utilise un astuce subtile de mise en scène : les rues sont vides, cela permet au film d’être un peu « décalé, mental. C’est fort dans la tête du petit, dans la tête du père mais on est quand même dans un monde imaginaire (…) ».

Malgré tout cette violence sous jacente, le réalisateur parvient à faire exister l’humanité de ses personnages, l’enfant qui joue comme on l’a vu, mais il y a aussi la mère, très aimante qui tente de protéger son fils des excès de son mari, le réalisateur explique :

« Dans le livre c’est une mère (la mère de Sorj (…)), très effacée, très soumise, vraiment complice quand même, absolument pas aimante, consolante pour le petit garçon.

Moi je voulais représenter ma mère ».

Audrey Dana l’interprète superbement. On découvre une femme qui tente de conserver sa joie de vivre malgré une vie familiale très difficile.

Audrey Dana et Jules Lefebvre (© Caroline Bottaro).

« On s’est vraiment bien entendus avec Audrey confie Jean-Pierre Améris. C’était important pour nous de rendre la complexité, les humains, c’est compliqué, une famille, c’est compliqué, c’est inextricable ».

Améris retranscrit parfaitement cette complexité des rapports humains, tout en abordant des sujets aussi délicats que les violences conjugales ou encore la folie…

Il offre également un très beau rôle à Benoît Poelvoorde qui aurait pu le refuser… s’il avait écouté son agent : « tout son entourage professionnel lui disait de ne pas faire ce film ! Nous révèle le réalisateur.

Son agent m’a appelé un jour en me disant : « je suis contre que Benoît joue ce film [sic], ce personnage, il est raciste, il humilie sa femme (…), c’est une une honte un personnage comme ça ! ».

Heureusement, le comédien n’a pas suivi ce très mauvais conseil et cela a permis à un excellent film de se faire.

Rien que pour cela, allez le voir !

La note : 8/10

Image d’en-tête : © Caroline Bottaro.

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