Ça y est ! Le Festival, qui mêle merveilleusement les deux matières passionnantes qui sont l’Histoire et le Cinéma, est de retour ce lundi au cinéma Jean Eustache, après avoir été annulé l’année dernière en raison du covid…
Pour bien bien commencer cette 31e édition consacrée au foisonnant XIXe siècle, lisons les mots de Jean-Noël Jeanneney, historien et Président d’honneur du Festival.
Il produit et anime également l’excellente émission Concordance des temps chaque samedi à 10 h 00 sur France Culture :
Nous avons accoutumé, ici [au festival], d’embrasser large.
Cette année, je l’admets, nous n’avons pas eu froid aux yeux. Un siècle entier – et quel siècle !
Mais l’audace trouvera, n’en doutons pas, sa récompense au profit de notre réflexion principielle sur
les noces de l’Histoire et du cinéma.
Tant cette longue durée porte un foisonnement de passions, de couleurs, de créations multiformes, de mouvements collectifs, de drames sanglants et d’heureuses libérations.
Tout effort de synthèse est peut-être voué à l’échec, mais tel n’est pas notre but.
Bien plutôt, en faisant allégeance au désordre, de chercher notre bien dans les multiples contradictions de l’époque.
En basse continue et souvent en coups de cymbale, les combats des Lumières irrigant les efforts de libération des peuples contre les crispations des forces enracinées dans le passé : celles-ci s’arcboutant sur les principes de la société d’ordres et la complicité entre les pouvoirs politiques tombant d’en haut et les religions instituées.
Le mouvement des nationalités affirmant, à tous risques, le droit à l’émancipation des peuples, tandis qu’en rude contradiction la seconde vague des colonisations venait en opprimer d’autres.
Les progrès de la science et des techniques portant, avec la Révolution industrielle, d’impressionnantes ambivalences : à la fois des chances d’émancipation par rapport au poids atavique des travaux quotidiens et l’émergence d’un prolétariat soumis, corps et âmes, aux plus impitoyables duretés.
L’essor de la capacité de guérir mais aussi celui, impressionnant, de massacrer les combattants dans le cours des guerres étrangères ou civiles.
Une bourgeoisie que Jean Jaurès peignait comme « anarchique et diffuse », installant progressivement
des conformismes pesants dans les modes de vie et l’inégalité des sexes tout en nourrissant des enfants qui furent de bons combattants de toutes les avancées civiles et politiques, au service de toutes les espérances.
Sans compter, tout au long des années, et partout, une splendide profusion de la création littéraire, théâtrale, architecturale et artistique, dont nous n’aurons jamais fini d’épuiser l’héritage.
Le cinéma surgit à la fin de cette longue séquence, et puisque c’est sa fête à Pessac, on ne jugera pas malvenu de vérifier que dès ses origines mêmes, quand s’ouvrit l’ère de ses prestiges, il commença aussitôt de trouver sa provende, à l’issue d’un siècle dont son émergence scanda la fin, dans l’inépuisable répertoire que lui offrait la chronique de ces temps multiformes.
source : dossier de presse du Festival