ATTENTION : dans un souci d’analyse, je dévoile des éléments clés de l’intrigue.
Sept ans après nous avoir fait adorer les comédies musicales avec l’envoûtant La La Land, le prodige Damien Chazelle nous emmène dans le Hollywood des années 20-30, au moment du grand basculement du muet vers le parlant…
Avec son casting aussi étoilé qu’Hollywood, on a vraiment envie de replonger dans cette époque où tout semblait possible… et les choses commencent fort avec une immersion dans une soirée complètement folle dans une villa isolée où tout semble permis…
La caméra se faufile avec délicatesse au cœur d’une assemblée chatoyante et frénétique !
L’ambiance est consacrée aux plaisirs des cuivres, des corps et des paradis artificiels… c’est sexe, drogues et jazz !
Margot Robbie qui incarne une jeune femme persuadée qu’elle va conquérir les plateaux de tournage est impressionnante, tout en incandescence et en lâcher prise…
On part clairement sur les mêmes bases très ambitieuses que La La Land !
Malheureusement, si Hollywood nous a bien appris quelque chose, c’est bien qu’il y a une sacrée différence entre le rêve et la réalité…
On passe donc très vite de l’enthousiasme, à l’agacement, avant finalement que l’ennui ne débarque…
En effet, cette introduction festive n’en finit pas de finir… mais elle donne au moins une information précieuse : Damien Chazelle va prendre son temps. Énormément…
Prendre son temps au cinéma n’est pas foncièrement un problème, au contraire !
Cela permet bien souvent d’étoffer un univers, de donner une vraie épaisseur aux personnages et donc, d’impliquer encore plus le spectateur à leurs côtés.
Dans le cadre de Babylon, ce choix donne l’occasion de nous montrer véritablement l’ambiance des tournages eux aussi, très frénétiques !
Par exemple, on tourne différents genres de films, simultanément, sur différents plateaux : il faut gérer les imprévus (figurants en colère, panne de caméra…).
Des problématiques assez classiques pour tout professionnel du cinéma, même aujourd’hui ! Sauf que le voir dans le contexte des années 20 est très savoureux !
La longueur devient un problème à partir du moment où… on a rien à raconter.
Dans le film qui nous intéresse, cela survient dès que le récit se concentre sur les personnages, trop archétypaux pour être intéressants sur la durée : Nellie Laroy, la futur actrice qui va se brûler les ailes (Margot Robbie), Jack Conrad, la grande star, bientôt passée de mode (Brad Pitt) ou encore l’immigré amoureux transi qui rêve de grandeur (Diego Calva)…
En dépit de toute la qualité de leurs interprétations respectives, on les regarde évoluer sans parvenir à se départir d’une terrible impression de déjà vu… renforcée par le fait que l’on anticipe tout ce qu’il leur arrive…
Tout est affreusement prévisible…
On en arrive même à prévoir les mouvements de caméra !
Ainsi, attardons nous sur la séquence du suicide de Conrad : un long travelling avant, le suit dans le couloir, jusqu’à sa chambre et là, comme on s’y attend, la caméra s’arrête sur le seuil… seule (petite) surprise, la porte reste entrebâillée jusqu’au coup de pistolet final…
Pire : le film semble n’avoir tellement rien à raconter, que des séquences improbables surgissent comme ça, comme des cheveux sur la soupe (bagarre avec un serpent, mafieux complètement cinglé entrainant ses invités dans une cour des Miracles moderne au cœur d’un tunnel routier…).
On a l’impression que le cinéaste cherche désespérément à remplir la vacuité de son scénario…
Même le propos du film (Hollywood qui détruit ceux et celles qui la composent) est convenu !
Comme on le dit plus haut : il est bien évident que la réalité n’est pas réjouissante derrière le Grand Ecran… Les frères Coen l’avaient déjà montré dans Avé César ! en 2016, qui traitait du Hollywood des années 50.
Mais à la différence du film de Chazelle, ils développaient un vrai angle, sans s’éparpiller, avec la petite touche d’humour qui passait bien, sans que cela soit une réussite totale, cependant.
Enfin, à trop vouloir souligner les excès du monde du cinéma, Babylon devient lui-même bien trop excessif, là où on aurait besoin de finesse pour apprécier bien plus les faux semblants de l’époque…
La scène de la réception au cours de laquelle, Nellie Laroy conspue l’hypocrisie des bourgeois, avant de vomir sur le tapis, en est l’illustration parfaite… elle en devient même contre productive, le spectateur étant aussi gêné, que les invités dénoncés…
Heureusement, on arrive à la fin… le calvaire se termine… non, pas encore ! Chazelle nous gratifie d’extraits de films cultes sous dans une dernière séquence épileptique…
Au final, ce voyage au cœur de l’Hollywood d’autrefois peine à convaincre…
Il s’agit davantage d’une œuvre d’ambiance, presque sensorielle, qu’un véritable retour sur le passé.
On y cherche désespérément un regard, un point de vue qui aurait pu habiller les (trop) nombreuses longueurs du film…
En conclusion, on reste donc à quai, en dépit des quelques fulgurances de la mise en scène.
Une vraie déception…
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